Il y a exactement 110 ans, au mois de juillet 1899, un certain colonel Robert Baden Powell quittait Londres pour rejoindre sa nouvelle affectation en Afrique du Sud. Selon la tradition de l’histoire scoute, cette date et les événements qui allaient suivre dans la deuxième partie de l’année 1899, allaient jouer un rôle crucial pour la fondation du scoutisme.
En 1899, l’Afrique du Sud est un des joyaux de l’empire colonial britannique. Or il y gronde une nouvelle révolte paysanne, sur fond de concurrence entre anciens colons originaires de Hollande et de France (Les Boers), et actuels colonisateurs britaniques – Les racines inextricables de cet incident historique sont trop complexes pour être exposées dans le détail ici, mais dans le contexte de l’Angleterre Victorienne de l’époque, cette « Guerre des Boers », aujourd’hui quasiment oubliée en Europe, fut suivie à distance avec un intérêt passionné par la population. Plus que tout autre événement, le siège du camp retranché de fortune construit autour de la petite ville de Mafeking (qui dura 217 jours !) est resté dans la mémoire collective de l’époque comme un épisode décisif, marquant un retournement dans le sort de la bataille (qui verra finalement les britanniques triompher en écrasant la révolte des Boers).
Du point de vue de l’histoire du scoutisme, le siège de Mafeking est un événement fondateur pour deux raisons.
D’une part, le Colonel (et futur Lord) Baden Powell, racontera lui-même par la suite que c’est sur ce terrain qu’il réalisa pour la première fois le potentiel de jeunes de 12 a 15 ans : dans le contexte très difficile d’un siège à 1 contre 10, il s’agissait bien entendu d’un potentiel d’assistance militaire. Celle des « cadets de Mafeking », unité de jeunes en uniforme qui effectuaient avec grand courage et dévouement des missions de repérage et de transmissions du courrier à bicyclette. A la fin du siège, les Cadets de Mafeking furent d’ailleurs décorés par la Reine d’une médaille spécifique, cas unique dans l’histoire militaire britannique pour des auxiliaires aussi jeunes. Plus tard, à la retraite et en temps de paix, Baden Powell trouvera comment tourner ce potentiel de la jeunesse vers les missions plus pacifiques de ce qu’il appellera parfois « peace scouting » : ce que nous appelons aujourd’hui les Eclaireurs. Pour cela, il mettra au point une pédagogie originale, dont certains des fondements remontent à son expérience pragmatique de terrain au cours du siège de Mafeking.
D’autre part, et c’est sans doute d’un point de vue strictement historique le plus important, la victoire décisive de Mafeking procurera à Baden Powell (traité en héros national et promu plus jeune major-general de l’armée britannique) la célébrité et l’aura nécessaires pour fonder, 8 ans plus tard, le plus important mouvement de jeunesse mondial, dont nous venons de célébrer le centenaire lors du grand Jamboree de 2007 en Angleterre, où étaient présentes de nombreuses unités de la F.E.E.
Au cours des années, l’événement fondateur historique de Mafeking s’est enrichi dans l’imaginaire collectif du scoutisme d’un grand nombre d’anecdotes, certaines parfaitement exactes et rapportées (et dessinées) par Baden Powell lui-même dans ses carnets, d’autres plus ou moins imaginaires, mais toujours représentatives de ce que signifie l’esprit des « Cadets de Mafeking » pour les éclaireurs contemporains : ou comment le courage, l’imagination, le dévouement, l’énergie, l’humour, le sens de l’adaptation d’une poignée de jeunes de 12 a 17 ans mis en confiance, encouragés et encadrés avec bienveillance, est capable de déplacer des montagnes. A Mafeking, l’aide précieuse de ces jeunes « cadets » permettra de tenir, d’octobre 1899 à mai 1900, un siège avec 1200 soldats sous-équipés et sans artillerie, et de mettre en déroute une armée de 9000 Boers équipée d’une artillerie lourde du dernier cri.
Parmi les anecdotes les plus connues sur le siège de Mafeking, et symbolisant l’esprit d’inventivité des assiégés commandés par Baden Powell, on raconte que pour maintenir à distance les troupes Boers, ils avaient entouré leur camp de « fausses mines » constituées de boîtes en fer remplies de sable, assorties de panneaux de mise en garde bien visibles. Profitant de la distance à laquelle était maintenu l’ennemi, ils pouvaient dès lors « mimer » la présence de fils de fer barbelés, qu’ils faisaient semblant d’enjamber systématiquement (alors que totalement démuni, le camp n’avait pas de fil de fer à disposition). Pour faire croire que le camp était solidement défendu et dissuader toute attaque nocturne, un unique projecteur de fortune était déplacé de tour de gué en tour de gué, et les quelques vieux canons disponibles également déplacés régulièrement pour faire croire à l’ennemi qu’il y en avait plus. Enfin, pour désorganiser l’assaillant, on raconte que BP lui même, armé d’un porte-voix géant et doté de talents de ventriloque, passait certaines nuits à simuler des ordres d’attaque pour empêcher les soldats Boers de dormir pendant que ses propres troupes se reposaient…
Quelques années plus tard, en 1907, Lord Baden Powell allait tester grandeur nature et sur un autre terrain, entièrement pacifique (et écologique !) cette fois, les éléments fondamentaux de sa pédagogie originale, en créant le premier camp d’éclaireurs sur l’Ile de Brownsea, second événement fondateur du scoutisme… mais c’est une autre histoire (que je vous raconterai demain 😉 ).
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