Le succès fulgurant des méthodes pédagogiques originales de Baden Powell dans tout l’empire britannique ne tarde pas à s’étendre à la France.
Les Eclaireurs de France
Dès 1910, une première troupe d’éclaireurs est fondé à Paris. D’autres initiatives disséminées bourgeonnent un peu partout en France pour adapter les méthodes de Baden Powell à des contextes spécifiques locaux. Mais les expérimentations parisiennes de 1910 vont déboucher dès 1911 sur la fondation de la Fédération des Eclaireurs de France en Décembre 1911, par Georges Gallienne, un pasteur protestant, et Georges Bertier, un directeur d’école privée. Bien que co-fondée par un pasteur, cette première fédération de scoutisme « à la française » se crée sans intention religieuse particulière, et s’affirmera rapidement comme neutre dans ce domaine, avant de s’épanouir, année après année, dans une laïcité de plus en plus clairement revendiquée.
Les premières sections d’éclaireuses sont créées en 1914, mais la première Guerre mondiale vient freiner pendant 4 ans l’essor du scoutisme en France : de nombreux chefs sont mobilisés.
Les éclaireurs unionistes
Les toutes premières années du scoutisme français sont marquée par la prédominance d’un scoutisme d’inspiration protestante ou neutre : l’Eglise catholique, qui possède déjà ses propres méthodes pédagogiques pour la jeunesse (catéchisme et patronages) ne voit pas toujours d’un bon oeil ces méthodes originales inventées par un Général anglais protestant.
La première troupe d’éclaireurs unionistes (protestants) est donc créée dès 1911 à Boulogne.
Le scoutisme catholique français
Les jeunes catholiques français, qui sont déjà nombreux à avoir rejoint les premiers groupes d’inspiration neutre ou protestante, font cependant eux-même pression pour que se crée en France un mouvement conforme à leur religion.
Sur la base d’expériences menées en Belgique pendant la Guerre, le scoutisme catholique va prendre son essor à partir de 1918 avec la fondation d’une première association de Scouts de France, sous l’impulsion du père jésuite Jean Sévin. Il faudra cependant attendre l’année 1920 pour que les différentes initiatives éparses de scoutisme catholique se coordonnent et se fédèrent au sein de la « Fédération Nationale Catholique des Scouts de France », ancêtre des actuels Scouts et Guides de France.
La seconde guerre mondiale et le Scoutisme Français
De nombreux éclaireurs sont à nouveau mobilisés durant le conflit, et certains s’illustreront héroïquement au front, ou durant les années de Résistance. La France est divisée en deux par l’occupation allemande en zone Nord, où le scoutisme est interdit (certaines unités continueront cependant à fonctionner clandestinement au péril de leur vie).
A l’initiative du gouvernement de Vichy qui les organise et les subventionne, les quatre associations de scoutisme présentes en zone Sud, dont les Eclaireurs de France et les Scouts de France, sont regroupées en septembre 1940 au sein d’une Fédération du Scoutisme Français, qui subsiste encore aujourd’hui.
(aux quatre associations fondatrices : Eclaireurs Unionistes, Scouts de France, Eclaireurs de France et Eclaireurs Israélites, sont venus s’ajouter à leur création en 1991 les Scouts Musulmans, parraînés par les Scouts de France)
Le gouvernement de collaboration n’hésitera pas par la suite à dissoudre de force les Eclaireurs Israélites de France en 1941, ce qui n’empêchera pas de jeunes éclaireurs israélites de s’illustrer dans le maquis.
Les éclaireurs neutres
Les Eclaireurs Neutre de France ont été fondés en 1947 par Marcel Lepage (ancien chef EDF), pour faire une proposition de scoutisme tolérant et respectueux des convictions (y compris religieuses) de chacun.
Suite à des divergences d’ordre politiques dans la direction des Eclaireurs de France (sur fond de tensions autour de la décolonisation, puis de passage à une laïcité plus militante), un certain nombre d’unités quitteront cette fédération à la fin des années 1940 pour rejoindre les Eclaireurs Neutres de France. Georges Bertier, co-fondateur des EDF, rejoint d’ailleurs à son tour les ENF en 1952, et contribuera notablement à leur croissance malgré ses 75 ans. En 1959, c’est cette fois l’un des fondateurs des Scouts de France, l’Abbé Andréis, qui apportera son soutien aux ENF.
Les ENF ont été reconnus par l’état en 1960.
Tout comme les autres mouvements de scoutisme créés après 1940, et dont une grande partie des chefs ont pourtant été formés par des associations historiques du Scoutisme Français, les ENF ne font pas partie de cette Fédération.
Le scoutisme européen
Dans les années d’après guerre, inspirés par des idéaux de réconciliation des jeunesses d’Europe, des chefs originaires de France, d’Allemagne et d’Autriche lancent une première expérimentation de scoutisme à l’échelle européenne à partir de l’Autriche (en Août 1952) – Sous le nom d’Europa Scouts (la filliation est très indirecte avec les Europa Scouts français contemporains, aujourd’hui affiliés aux ENF).
Cette initiative se transformera ensuite en une Fédération du Scoutisme Européen (1956), dans laquelle les associations françaises seront amenées à jouer un rôle prédominant (du fait de l’importance des effectifs qui rejoindront massivement ce mouvement de scoutisme dans les années 60, comme nous le verrons ci-dessous). La Fédération des Scouts d’Europe est fondée en France en juillet 1958 par Jean-Claude Alain et Jean-Pierre Roussel.
Elle sera reconnue par l’Etat en 1970, et constitue aujourd’hui le deuxième mouvement de scoutisme en France en termes d’effectifs.
Les turbulences des années 60
Nous avons évoqué dans notre billet sur le scoutisme féminin les courants de réforme qui traversent la pédagogie des mouvements de scoutisme français dans les années 1960 à 1980, sur fond d’évolution des moeurs et de progrès de la société. Parmi les expérimentations qui vont faire couler beaucoup d’encre et causer de nombreux bouleversements, la réforme « Rangers/Pionniers » de 1964, au sein des Scouts de France, est la plus emblématique.
Elle consiste notamment à revoir la séparation en tranches d’âges dans la branche « éclaireurs » du mouvement : au lieu d’une unique tranche 12-17 ans, comme l’avait initié Baden Powell, les Scouts de France créent deux nouvelles tranches d’âge : les « Rangers » (12-14 ans) et les « Pionniers » (14-17 ans). L’influence d’équipes formées en-dehors du scoutisme pour mener cette réforme, tout comme l’abandon d’autres piliers de la « méthode scoute » d’origine de Baden Powell (système des patrouilles, modifications de l’uniforme,…), ainsi que certaines prises de position plus « politiques », amèneront de nombreux chefs à quitter les Scouts de France avec leurs unités.
C’est ainsi que de très nombreux jeunes viendront grossir les rangs des Scouts d’Europe (qui connaissent dans les années 60 une croissance record, en proposant un scoutisme d’inspiration beaucoup plus traditionnelle), alors que d’autre, sous la houlette de Michel Menu, créent un nouveau mouvement : les SUF.
Les Scouts Unitaires
On comprend mieux le sens du mot « unitaire » avec cette explication historique : les SUF sont « unitaires » parce qu’ils refusent la nouvelle division des âges mise en oeuvre chez les Scouts de France en 1964. On appelle pédagogie « unitaire » celle qui repose sur une unique tranche de 11 à 17 ans, fidèle à l’organisation préconisée par Baden Powell dès les premières années du scoutisme.
D’une façon générale, le scoutisme proposé par les SUF repose d’ailleurs sur une interprétation traditionelle de la pédagogie scoute, gardant en son coeur l’organisation en patrouilles et l’importance de l’uniforme notamment.
Les SUF deviennent un mouvement indépendant en 1971 et seront reconnus par l’Etat en 1974.
La Fédération des Eclaireuses et Eclaireurs
« Petite dernière » des grandes fédérations de scoutisme, la FEE est également née de divergences de conceptions sur la pédagogie. Cette fois, c’est au sein des Eclaireurs et Eclaireuses de France que des réformes proposées par des intervenants qui n’ont pas toujours été formés par le scoutisme vont provoquer une rupture. Il s’agit ici aussi de l’abandon d’un certain nombre de piliers fondamentaux du scoutisme traditionnel comme le système des patrouilles et l’uniforme.
Au printemps 1989, réunis dans la bonne humeur à Tierceaux (Cher), un certain nombre de chefs représentant 5 groupes fondateurs, vont donc quitter le giron des EEDF avec leurs unités (tout en revendiquant l’héritage historique du scoutisme des éclaireurs laïques). Ils décident de créer la FEE pour proposer une pédagogie du scoutisme originale, dont nous fêtons aujourd’hui les 20 ans.
Les autres associations de scoutisme
Il existe de nombreux autres mouvements de scoutisme en France, de taille plus modeste, dont aucun n’est actuellement reconnu par l’Etat ni par l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout. Cette page ne permet pas de les lister tous : nous nous sommes volontairement bornés dans ce bref résumé de l’histoire du scoutisme en France à évoquer les 9 principales Associations de scoutisme, qui sont reconnues par l’Etat.
La Conférence Française de Scoutisme
Comme nous l’avons évoqué, les Fédérations de scoutisme créées après 1940 ne font pas partie de la Fédération du Scoutisme Français (à l’exception des Scouts Musulmans), pour des raisons historiques. Quatre de ces fédérations ont néanmoins été reconnues par l’Etat, et se sont rapprochées en 1999 pour rédiger ensemble une déclaration commune sous le nom de « message aux familles ». Il s’agit des ENF, de notre FEE, des SUF et des GSE (Guides et Scouts d’Europe).
Trois de ces Fédérations (Les ENF, la FEE et les GSE) vont dès lors fonder ensemble la Conférence Française de Scoutisme, dont le rôle est d’être un interlocuteur de l’état et des familles, tout en faisant la promotion d’un scoutisme de qualité, avec une offre pédagogique diversifiée en fonction des convictions de chacun. Il s’agit également d’une initiative pour refonder la fraternité scoute en France.
La CFS n’est pas (encore) reconnue par l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout. Ceci n’a pas empêché de nombreuses unités originaires des Fédérations membres de la CFS de fêter dignement le centenaire du scoutisme en 2007, lors du grand rasemblement qui eut lieu sur le champ de Mars le 1er juillet, puis lors du grand Jamboree qui eut lieu en Angleterre dans la foulée.
Parmi celles-ci, de nombreuses unités de la FEE sont fières d’avoir participé activement à ces réjouissances… mais c’est une autre histoire, que je vous raconterai demain.
Bonjour,
J’aimerais savoir s’il existe encore un groupe E.E.D.F ou F.F.E à St Ouen (93) dont mon amie Nelly ESKENAZI ( totem : Klapp ) a été cheftaine ( mais elle n’a pas d’ordinateur ! )
( E.E.D.F ) dans les années 60.
Merci de votre réponse
Une ancienne Eclaireuse Unioniste de l’Oratoire à Paris 1 er ,dans les années 60 et appartenant à l’association des anciennes de la Fédération Française des Eclaireuses (A.A.F.F.E ).
Françoise BESSE ( totem : Wendy )
Bonjour
Vous écrivez que des unités edf partent en 1940 et vont rejoindre les enf qui furent fondés en 1947… Il doit y avoir un petit bug.
Pourquoi les créateurs de la FEE, n’ont ils pas rejoint les ENF ? Quelles en sont les raisons ?
Merci Cyril
Un rapprochement entre la FEE et les ENF a bien été envisagé à une époque mais les évolutions récentes des ENF depuis le début des années 2000, avec notamment l’intégration de trois associations catholique traditionnalistes ayant pris beaucoup de poids au sein de cette fédération, sont un facteur de divergence. Pour plus d’information voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89claireurs_neutres_de_France